Cérémonie dimanche 7 avril 2024 : Commémoration de la rafle des enfants d'Izieu

Mis à jour le 09/04/2024

C'était il y a 80 ans. Le 6 avril 1944, 44 enfants et 7 adultes juifs de la colonie d'Izieu étaient déportés dans les camps allemands. Pour commémorer ce triste anniversaire, une journée d'hommage aux victimes de cette rafle s'est tenue ce dimanche à Izieu dans le département de l'Ain.François-Xavier Lauch, préfet de l'Hérault était présent à la cérémonie :

A la demande de la Maison d’Izieu j’ai témoigné hier, au cours de la cérémonie commémorant les 80 ans de la rafle, de l’origine de l’installation de la Colonie des enfants de l’Hérault,  première installation à Izieu en mai 1943. J’ai mis en avant le rôle trop méconnu encore de l’abbé Charles PREVOST, et pour la préfecture de l’Hérault du chef de bureau Roger FRIDRICI et des préfets  ERNST et BENDETTI en lien avec Sabine et Miron ZLATIN.retrouvez le discours prononcé lors de la cérémonie :

7 avril 2024

Discours pour les 80 ans de la rafle des enfants d’Izieu

Madame la Préfète de l’Ain,

Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs,

Madame la vice-présidente du Conseil régional,

Monsieur le président du Conseil départemental,

Monsieur le Recteur,

Monsieur le Général Gouverneur militaire de Lyon,

Monsieur le maire d’Izieu,

Mesdames et Messieurs les maires et élus,

Monsieur le président de la Maison d’Izieu,

Monsieur le président du CRIF,

Monsieur le Rabbin,

Mesdames et Messieurs les anciens enfants de la colonie d’Izieu,

Mesdames et Messieurs, chers jeunes,

            Etre ici parmi vous en tant que préfet de l’Hérault s’est révélé très vite être une évidence. Je remercie Mme la Préfète Chantal MAUCHET d’avoir accepté que je prononce ces quelques mots, et Dominique VIDAUD le directeur de la maison d’Izieu de m’avoir invité.

            Je pense qu’il était important que le Préfet de l’Hérault d’aujourd’hui soit présent, 80 ans après, pour rappeler l’histoire qui a unit des responsables préfectoraux héraultais de l’époque ainsi que Sabine et Miron ZLATIN dans la protection des enfants Juifs.

            J’ai donc eu à me pencher sur l’histoire de ces lieux, de ces 44 enfants et de leurs 7 éducateurs raflés. Permettez-moi de vous dire que j’ai encore le cœur brisé par mes lectures de ces dernières semaines et que je suis empreint pour cette raison d’une émotion certaine. Je ne connaissais pas aussi bien que vous l’histoire terrible de cette colonie déplacée. Je suis d’une génération qui même si-fort heureusement – elle a été confronté au témoignage des rescapés et des survivants, n’a pas connu la Guerre. J’ai ressenti la même horreur poignante, le même décalage subit entre la quiétude de cette maison avant le 6 avril 1944 – J’ai en tête en vous parlant ces photos d’enfants heureux jusqu’aux premiers jours d’avril 1944, leurs dessins d’enfants, leurs lettres à leurs parents, leurs chants -. J’ai ressenti la même douleur que lors de mes visites de jeunesse à Oradour-sur-Glane, ville à côté duquel je suis né.

            Revenons-en à l’Hérault dont je salue et remercie les quelques représentants ici présents aujourd’hui.

            Pourquoi parler de ce département aujourd’hui ? Parce que nombre de ceux qu’on qualifiait « d’indésirables » notamment des Juifs avaient été internés dans ce Sud-Ouest de la France ou existaient des camps tristement constitués d’abord pour les réfugiés espagnols, des campsun temps situés en zone libre, où il était un temps plus facile de protéger les opprimés à l’extérieur de ces lieux.

            Dans ces camps il y avait des enfants. Isolés. Bien souvent orphelins même si faute d la savoir ils le devinaient.

            Ces enfants étaient pris en main par l’œuvre de secours aux enfants (OSE), véritable organisation internationale, créée en 1912, dont le siège a été au fil du conflit déplacé de Berlin à Paris puis de Vichy à Montpellier avant, elle aussi, de devoir changer de lieu pour son siège jusqu’à Chambéry.

            Le destin, chose extraordinaire a fait, que le couple ZLATIN, eux même Juifs, s’installent dans l’Hérault, à Jacou. Les lois scélérates de Vichy, que Mme ZLATIN ne puisse plus exercer comme assistante sociale, infirmière auprès des militaires de la caserne LAUWE à Montpellier. Mais cette mission avait mis en relation S. ZLATIN avec des responsables de la Préfecture.

            C’est ainsi, qu’avec l’aide, des complicité passives, et même très souvent actives, de certains membres de l’administration préfectorale, que Mme ZLATIN a pu sortir des camps nombre de très jeunes enfant souvent de moins de 15 ans. Du camp d’Agde, immense camp de 30 hectares, notamment mais pas seulement, je vais citer aussi celui de Rivesaltes. Elle en sauve lors de chacun de ses passages hebdomadaires 3 ou 4 comme le relate Paul NIEDERMANN dans son ouvrage Un enfant Juif, un homme libre. S ZLATIN était « cette dame en uniforme de la Croix rouge française » accompagné d’un Monsieur « armé d’une pince » pour couper les barbelés permettant de faire « passer les plus petits d’entre nous ». Paul NIEDERMANN qui ne parlait pas alors le français était nous dit-il « suffisamment éveillé » pour remarquer à deux pas « le garde armé, le fusil à la bretelle, qui nous tournait ostensiblement le dos ».

            Il s’agissait très vite de faire prendre en charge ces enfants dans les Home/foyers de l’OSE bien souvent lorsque c’était possible pour les mettre en sécurité dans d’autres pays (Suisse). Mais pour cela il leur fallait une attestation, des papiers (c’était la mission de la Préfecture), il leur fallait une première prise en charge sanitaire ce fut le solarium marin de Palavas-les-Flots (été 1941), ce fut au fil de la dangerosité montante et du besoin de place le Sanatorium/espace Saint Roch à Montpellier (salle plus grande – mars 1942), et enfin à partir de fin 1942 lorsque le personnel Juif de l’OSE est licencié et qu’une partie de l’action de l’UGIF entre dans la clandestinité, au château du Campestre à Lodève.

            Lorsque le 11 novembre 1942 la zone libre fut envahi et que Paul NIDERMANN voit les troupes nazies défiler sur la Place de la Comédie, et que décidément l’Hérault devenait trop dangereux, c’est par accord entre les deux préfectures que Mme ZLATIN – tout en gardant ses fonctions dans l’Hérault – pu mettre 17 de ces enfants à Izieu et gérer cette colonie des enfants de l’Hérault – son premier nom.

            Je voudrais au-delà de la figure de Sabine et de Miron ZLATIN, au-delà de la figure des éducateurs professeurs et aidants qui ont exercé ici mettre en valeur les figures de ces personnes alors présentes dans l’Hérault :

-          La belle figure de l’abbé Charles PREVOST, tout d’abord, qui a mis à disposition de S. ZLATIN différents lieux dans l’Hérault. Une plaque et un buste disent son action dans l’enclos Saint-François de Montpellier ;

-          Des figures préfectorales. Vous connaissez bien ici le sous-préfet de Belley d’alors Pierre Marcel WILTZER et sa secrétaire générale Marie-Antoinette COJEAN. Je veux citer côté Hérault les noms de Jean BENEDETTI (préfet délégué), Camille ERNEST (secrétaire général) et Roger FRIDRICI (chef de bureau). C’est Roger FRIDICI qui convoque S. ZLATIN lui demande de prendre la direction de CAMPESTRE et l’a convainc de convoyer les enfants qui y sont vers la zone italienne, il se met en relation avec le sous-préfet de Belley qu’il connaît et dont il partage les mêmes origines Lorraine. Il a aussi été sous l’autorité de son père à Metz. Je veux citer un autre de ces héros que notre corporation s’enorgueillit d’avoir compté : Camille ERNST dont le souvenir est inscrit sur les murs de la Préfecture. Secrétaire

Général de la Préfecture de 1940 à 1943 date à laquelle il est relevé de ses fonctions pour avoir protégé les Résistants, prévenue et délivré les Juifs et leur avoir fait délivrer des documents. C’était un authentique Résistant du réseau Famille Martin. Il fut déporté à Dachau. Rescapé, préfet de la Libération. Il est Juste parmi les Nations.

 

            C’est le 5 mai 1943 donc que le préfet de l’Ain peut écrire à son collègue de l’Hérault qu’il « émet un avis favorable au transfèrement à Izieu de la Maison d’enfants actuellement installée à Lodève ». Dans cette maison que le sous-préfet va lui-même réquisitionner. Bientôt sur la base de 17 premiers enfants de 4 à 17 ans, 80 enfants peuplent cette « Colonie d’enfants réfugiés de l’Hérault ». 105 furent accueillis au total. Beaucoup avaient transité par la région dont je viens.

 

« Ici Mme ZLATIN vous serez tranquilles » avait dit le sous-préfet.

 

Mesdames et Messieurs,

 

            Je suis venu porteur d’un message très simple au moment où nous mettons dans les pas de la première commémoration du 7 avril 1946 : je veux vous dire que le témoignage de ce drame terrible reste bien vivace dans ce département de l’Hérault : à Palavas-les-Flots avec cet ancien Solarium marin, à Montpellier autour de la villa des pins et de l’enclos Saint-François, à Lodève au Campestre, à Jacou où les ZLATIN avaient établi leur activité.

 

            Je suis venu louer la mémoire de ceux qui dans l’Hérault connus ou inconnus se sont engagés pour protéger ces enfants Juifs, action indiscociable de celle du couple ZLATIN ;

 

            Je suis venu vous dire que dans ce département comme ailleurs en France des enfants continuent dans leurs études, par le concours de la Résistance, par leurs voyages, par les mots de leurs enseignants de découvrir cette tragédie ultime, par des rencontres comme celles qui eurent lieu avec Paul NIEDERNMANN lorsqu’il était parmi nous.

 

            Que je suis heureux enfin que les Archives départementales de l’Hérault, par l’entremise de Mme Sylvie DESACHY ait pu prêter l’exemplaire original du témoignage Léa FELDBLUM pour l’exposition « C’étaient des enfants ». Ce formulaire ou Léa FELDBLUM nous explique aussi simplement que cela qu’« après 6 jours de démarches veines (à Drancy), je me suis proposée de poursuivre le convoi avec les enfants ». Ce convoi elle l’a accompagné à Auchwitz et ne pouvant accompagner ces enfants elle a ce mot : « Jamais ne pourra s’effacer du cœur d’une femme le visage anxieux des enfants innocent qui n’ont jamais revu le pays où ils s’amusaient si bien ».

 

            Dans l’Hérault aussi cette tragédie de la Maison d’Izieu fait œuvre de mémoire.

 

            Pour que ce qui a été vécu ici ne se reproduise pas.

 

            Jamais.